La Société Linière du Finistère
La Société Linière du Finistère s'étendait sur environ 16 hectares à la sortie est de la ville. Le site comprenait des bâtiments et un étang de retenue (environ 6 ha).Le mémoire établi lors de la liquidation des biens de la Société, en date du 25 janvier 1892, nous en donne une description précise. Le site comporte plusieurs bâtiments, dont les descriptifs et dimensions sont indiqués en annexe dans la transcription du document, conservé aux archives départementales du Finistère sous la cote 7 M 247.Trois ensembles de bâtiments sont encore visibles actuellement sur le site, chacun étant dans un état plus ou moins bien préservé. Ces ensembles architecturaux sont partagés entre deux types de matériaux : la pierre et la brique.La Peignerie et le scutcher. La Peignerie est un bâtiment de forme rectangulaire et longitudinale (n°33 sur le plan). Il est constitué de pierres ainsi que de briques pour l’encadrement de la porte. L’élévation se fait sur deux niveaux, avec un rez-de-chaussée et un premier étage, et un toit en éverite. Le long du rez-de-chaussée de la Peignerie se trouve, complètement accolé, le bâtiment nommé « scutcher » (n°34 sur le plan) qui n’a qu’un niveau et dont le toit est manquant. Le nom de ce bâtiment provient de l'anglais scutching-machine (teilleuse) et qui était aussi appelé "moulin irlandais" ; la mention "scotcher" se retrouve aussi, cependant ce n'est qu'une déformation du mot d'origine. L’ensemble général des bâtiments est délabré, la végétation est plutôt dominante. Côté rivière, des latrines en brique et un accès par un escalier qui donne directement sur la rivière sont à noter. De plus, des vestiges d’une passerelle qui passait par-dessus l’Elorn sont encore visibles. Ajoutons à cela, que deux "roues" ou "meules à chanvre" ont été retrouvées sur le site, dans une propriété privée. Toutes deux en granite, elles mesurent 2 mètres de diamètre pour 50 centimètres d'épaisseur, et elles pèsent dans les 4 tonnes.Les magasins liniers. Le deuxième ensemble de bâtiments encore préservé est celui qui est en bordure de route, dans la rue des Écossais. Sur l’ensemble actuel, ce sont au moins deux bâtiments d’origine qui sont accolés, chacun s’élevant sur deux niveaux : l’habitation-bureaux pour le premier (n°20 sur le plan) et les magasins de lins et fils au rez-de-chaussée du second du bâtiment (n°21 sur le plan), avec au premier étage les marchands et les outils. Ils forment ainsi un ensemble longitudinal à multiples travées. L’encadrement est de pierre pour la porte principale et de brique pour la secondaire, et les fenêtres sont encadrées de béton.La blanchisserie. Enfin, construite le long de l’Elorn, se trouve l’ancienne blanchisserie (n°2A sur le plan). L’état actuel de ce bâtiment laisse voir deux affectations différentes qui se sont succédées dans le temps et qui se retrouvent dans le choix des matériaux encore visibles dans la structure en ruine. En effet, dans un premier temps se trouvait la blanchisserie qui était constituée de pierre et s’élevait sur deux niveaux : la blanchisserie en elle-même au rez-de-chaussée et le séchoir à l’air libre au premier étage. Aujourd’hui, les parties architecturales de la blanchisserie ne sont qu’apparentes par le matériau (la pierre) et par l’élévation marquée par les huit piliers qui subsistent, tandis que le toit, lui, a disparu. La blanchisserie reste visible de loin grâce aux trois pignons restants côté ouest et qui devaient marquer les trois vaisseaux composants de la structure (voir ill. « Ancienne filature » pour visualiser une comparaison). Et dans un second temps, la briqueterie a investit les lieux de l’ancienne blanchisserie. Les vestiges que nous pouvons observer imbriquent alors à la fois celles de la blanchisserie et celles de la briqueterie, distinguables par leur principal matériau de construction (respectivement la pierre et la brique).La manufacture du Léon qui fabriquait les Crées, ces toiles de lin qui étaient exportées par les ports de Landerneau et Morlaix, était « gérée » par les négociants (Heuzé, Radiguet, Homon, Goury, Le Roux), souvent également armateurs de ces deux villes.Dans un premier temps (début du XXe siècle) ils ont organisé le tissage en ateliers, comme celui installé au couvent des Capucins, où, en 1820, 160 métiers environ tissaient le lin, le coton, les siamoises de couleur, le linge de table mais principalement des toiles à carreaux, fil bleu d’épreuve, façon de Bruges et de Lille.Si les premières étapes de la transformation de la fibre ne pouvaient se faire que manuellement, ils ont souhaité prendre modèle sur les Anglo-saxons, en avance sur la mécanisation, pour le filage et le tissage. C’est ainsi que peu à peu ils ont opté pour l’installation d’une usine pour produire de la toile en quantité et en qualité capable de répondre au cahier des charges de la Marine. Le lieu d’implantation a été choisi en fonction de l’énergie nécessaire au fonctionnement des machines, en l’occurrence, à l’est de la ville sur les bords de l’Elorn afin de profiter de la force hydraulique de la rivière.Ils déposent les statuts de la Société Linière le 22 août 1845 (voir en annexe), avec comme associés (qui seront, pour certains, suivit par leur fils) René Poisson (1768-1854) ; Joseph et Charles Goury (1779-1869/1815-1885) ; Jean-Isidore Radiguet (1792-1862) ; François et Gustave Heuzé (1789-1852/1821-1898) ; Guillaume et Albert Le Roux (1794-1868/1836-1912).Les machines sont achetées pour la plupart en Irlande. Le personnel est recruté sur place mais la Société Linière attire également des ouvriers d'autres communes finistériennes (Plounéour-Ménez, Commana...) et d’autres pays de tisserands, tel que les Côtes d’Armor. Afin de former et d'encadrer les ouvriers bretons, les négociants pré-cités font venir des contre-maîtres et ouvriers spécialisés Écossais.Ceux-ci forment alors une véritable communauté, ont leur pasteur, leur école dans le « quartier des Écossais ». Les bâtiments d'habitation des contre-maîtres sont toujours visibles près de la voie ferrée.L'apport des actionnaires dans la société est constitué principalement de blanchisseries ou d'ateliers de tissage répartis sur un territoire qui va de Landerneau à Ploudiry, Landivisiau, Saint-Sauveur, Commana, Plourin. D'autres ateliers de tissage ont été construits et mis en œuvre ultérieurement (Guimillau).Le principal client de la Société sont la Marine Royale qui passe commande pour des toiles à voile, vareuses, chemises, pantalons et manches à eau, et I‘Administration de la Guerre pour laquelle elle fabrique des toiles « à tentes de soldats et d’officiers », ainsi que pour les sacs de campement.Le lin n’est pas acheté sur pied, l'ensemble des essais de rouissage industriel ayant échoué, la Société achète le lin roui qu’elle stocke au couvent des Capucins, stockage qui devient le rôle principal de la communauté après la construction des nouveaux bâtiments de la filature à I‘entrée de la ville (1847). C’est aussi au couvent des Capucins que se font I'emballage et I‘empaquetage des fils et toiles, le marquage, la couture ; pour cela, la Société emploie une soixantaine d’ouvriers.L'arrivée de la Marine à vapeur entraînant la perte du marché de la Marine et la difficulté d'un approvisionnement homogène, vont, entre autres, conduire à la fermeture de la Société Linière du Finistère en 1891. Après la liquidation, les bâtiments sont repris par la Grande Briqueterie.Aujourd'hui, ils sont encore partiellement visibles, certains dans un état de délabrement avancé car situés en zone inondable.
Auteur(s) du descriptif : Le Gall-Sanquer Andrée
Par : L'inventaire du patrimoine